Blogue

6 novembre 2018


Les enseignants universitaires contractuels

un secret bien gardé ou un secret de Polichinelles?


En septembre 2018, l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), la plus grande association de syndicats de l’enseignement supérieur au Canada, rendait public une vaste étude sur la situation des enseignants dans les collèges et universités au Canada : « De l’ombre à la lumière : Les expériences du personnel académique contractuel[1] ». Un mois plus tard, le Centre canadien de politiques alternatives, diffusait à son tour : Contract U : Contract Faculty Appointments at University[2], une étude confirmant ou réaffirmant celle de l’ACPPU, c’est-à-dire que la majorité (et une majorité croissante), des enseignants dans les collèges et universités sont à contrat. Surprise? Étonnement? Panique sur la 20? Pas vraiment!


Les deux études confirment la précarité, la lourdeur de la tâche, la détresse psychologique, l’insécurité financière, l’impossibilité de budgéter à long terme, le manque de soutien… sans parler de l’absence quasi totale du matériel de base : bureau, ordinateur, etc. Ces enseignants contractuels donnent la majorité des cours, plus de 75% des cours dans certains cas. Comment donc faire un travail « de qualité » quand on a pas accès aux fournitures de base « comme la craie ou les marqueurs en classe […] » ? Quand on partage un bureau pour 18 chargés de cours, et qu’on n’a pas de « trombones, brocheuse, rien du tout[3]. » Ça vous étonne? Pourtant c’est la réalité!


Depuis plus de 40 ans, les personnes chargées de cours du Québec tentent d’attirer l’attention sur cette « réalité qu’on ne saurait voir ». Déjà en 1999, l’Institut de la statistique du Québec produisait un portrait qui soulignait la forte présence des chargés de cours, s’inquiétant de leur piètre intégration à la vie universitaire et de l’absence de reconnaissance, notamment quant à leur rémunération comparée à celle des professeurs[4].  Résultats? Un ajustement salarial au début des années 2000 suivra pour la majorité des personnes chargées de cours, mais sans plus. Intégration au processus décisionnel, reconnaissance des pairs, accès à des fonds de recherche, etc., tout cela demeure encore à « négocier ». On se demande, par exemple, pourquoi à l’Université Laval, une des plus grandes universités et la plus vieille université francophone en Amérique du Nord, les chargés de cours sont parmi les moins bien rémunérés au Québec? 


L’Université du Québec organise, les 7 et 8 novembre prochains, un forum intitulé Ensemble pour l’Université de demain. Le tout se tiendra au Centre des congrès de Québec et, à voir le programme, on se demande où sont les accolades pour celles et ceux qui sont les principaux responsables de la diplomation de plus de 700 000[5] étudiantes et étudiants depuis la fondation du réseau? « Principaux responsables » puisqu’il est statistiquement confirmé que ce sont ces contractuels qui donnent et ont donné la majorité des cours de 1er cycle. Considérant que c’est à ce cycle d’entrée à l’université que doivent passer tous les étudiants, et considérant que c’est aussi à ce cycle où l’ont retrouvent les plus grands groupes, on peut affirmer que ce sont les contractuels qui sont confronté au plus haut ratio du nombre d’étudiants par enseignant et qu’ils sont conséquemment les principaux responsables de ces succès de diplomation. Ainsi, malgré l’absence du matériel de base, malgré l’insécurité chronique du « contrat par contrat, session par session », malgré une rémunération déficiente et les plus grands groupes des 3 cycles, les personnes chargées de cours ont fait et continuent de faire l’impossible, c’est-à-dire favoriser une réelle accessibilité et rendent réelle la démocratisation de l’enseignement universitaire sur tout le territoire du Québec.


Bref, les enseignants universitaires contractuels du Québec ne seront aucunement surpris par les conclusions des récentes études pancanadiennes. Ils y verront la confirmation de se qu’ils savent déjà, c’est-à-dire la magnitude du boulot qu’ils accomplissent depuis des décennies, sans le respect, la reconnaissance et le matériel de base. Après 50 ans, il serait plus que temps de les reconnaitre pour ce qu’elles et ils sont vraiment, des enseignantes et des enseignants universitaires de plein droit, à statut différent mais de même qualité. À travail égal, salaire égal!


    

[1] Publié en septembre 2018 : https://www.caut.ca/sites/default/files/rapport_pac.pdf 


[2] Publié le 31 octobre 2018 : https://www.policyalternatives.ca/publications/reports/contract-u 


[3] Consulté le 2 novembre 2018 : https://www.caut.ca/fr/bulletin/2018/09/detruire-les-mythes-du-personnel-academique-contractuel 


[4] Consulté le 2 novembre : http://www.bdso.gouv.qc.ca/docs-ken/multimedia/PB01602FR_remtachst_chdecours1999H00F00.pdf 


[5] Consulté le 2 novembre 2018 : https://www.ledevoir.com/societe/education/526659/universite-du-quebec-un-reseau-indispensable-au-service-de-l-education 

À venir

À venir